Au pied d'un immeuble.

Encore une ruelle, comme on en trouve partout dans Nhale : obscure, pavée, quelques poubelles entassées contre un mur, et le corps qui va avec.
Une pluie fine faisait briller les pavés et les briques sales, des bruits réguliers sont produits par la rencontre entre un sac poubelle et des gouttes perlant d'une gouttière.
C'était un corridor séparant deux immeubles mal bâtis, penchés de sorte que leurs toits se touchaient presque, créant un plafond noir au dessus de la ruelle.

Un corps est étendu sur les pavés, le ventre contre le sol. Un gémissement sort de sa bouche, et l'homme individu allongé roule sur le dos.
C'est sans aucun doute un homme, et jeune avec ça, habillé d'une chemise blanche, et d'un sweat-shirt bleu serré, les manches retroussées. La pluie tombe désagréablement sur son visage, ce qui achève de le réveiller.
L'homme laisse échapper un autre gémissement et se met cahin-caha sur quatre pattes, visiblement mal en point et peu à même de se lever. Son visage montre quelques traces de coups, sa lèvre inférieur saigne et ses cheveux sont collés par la pluie sur son front. Voici Elvin, en glorieuse position.

Une immense sensation de nausée le prend soudainement, et le personnage se met debout en titubant, il tente de faire quelques pas mais perd alors l'équilibre et se retrouve collé contre le mur, respirant bruyamment.

*Ma cheville, ah merde ! J'ai du me la péter, ou alors foulée, merde !*

Elvin, gardant toujours un contact avec le mur via son bras tendu, lève la tête pour apercevoir la fenêtre de son ancien appartement, dans un des immeubles.

*Les en*****, j'aurai pus me tuer !*

Il essuie sa lèvre avec son bras, et se rend compte avec le contact de son bras mouillé combien il a froid, et la sensation de ses vêtements mouillés lui collant contre la peau ne lui plaisait pas du tout. A cet instant, Elvin est malheureux, et une envie de pleurer le prend.
Par terre sont répandus quelques affaires à lui, jetées depuis le haut de l'immeuble, Elvin clopine jusqu'à son sac à dos, un peu plus loin, et y fourre quelques affaires de rechanges, il aperçoit également le manche (cassé) de sa guitare derrière les poubelles.
Elvin, les larmes aux yeux, s'aidant du mur pour avancer, commence à s'éloigner de la ruelle.

Il traîna ainsi jusqu'à la sortie de la ruelle. Dès qu'il l'atteignit, une voix attira son attention sur le côté.

-Elvin...? Oh, bordel, Elvin, c'est toi?!

L'instant d'après, il se sentit soutenu par un geste brusque. Il lui fallut un moment pour reconnaître Jazim, son camarade de conservatoire. Sous son apparence humaine, c'était un homme au visage plutôt commun, roux, le teint bronzé, mesurant dans les 1m57. Il avait l'habitude de se vêtir de vêtements gris, issu de sa paranoïa habituelle. Car, en effet, Jazim était également un Hybride Félin, au pelage aussi roux que sa chevelure sous sa forme de Sidh. Il possédait un caractère doux et affable mais relativement craintif, ce qui faisait qu'il était en permanence parcouru de tics.

Ils se connaissaient encore à peine, l'arrivée d'Elvin étant encore assez récente au sein de la Cité, mais Jazim était le seul hybride que ce dernier avait rencontré jusqu'ici. Elvin put ensuite se rappeler que Jazim voulait venir chez lui pour répéter et pour faire plus ample connaissance, ce qui expliquait sa présence à ses côtés.

-C'est-c'est qui qui t'as fait ça? Ils sont encore dans le coin?!

Choqué, Elvin mit un moment avant de reconnaître Jazim, et était heureux de voir un visage amical. Encore plus un autre Hybride félin.
Elvin répondit des sanglots dans la voix :

-Je-Je sais pas, il y avait le proprio, et il a appelé des amis à lui...

Elvin ravala ses larmes et se retourna vers la ruelle qu'il venait de quitter.

-Je suis tombé de l'appart... Ils y sont peut-être encore, je sais pas, je sais pas...

Il avait mal partout, sa cheville lui faisait très mal. Son ventre également était douloureux, et sa chemise lui collait à la peau au niveau du dos, peut-être dû à de la sueur ou à du sang.

-Il faut que je me lave...

Jazim fut un instant éberlué.

-Heu, ouai, ouai, on va te trouver ça. Tu me raconteras ça chez moi, faut qu'on se barre!

Ce dernier s'empressa de l'aider à marcher et ils continuèrent leur route parmi les passants plus ou moins indifférents. Certains les regardèrent passer avec des airs à la fois empli de curiosité et de stupeur, d'autres un peu méprisants, mais la majorité ne fit pas attention à eux comme s'ils souhaitaient ne pas être mêlé à ce qui avait pu leur arriver.

De son côté, les tics de Jazim avaient repris de plus belle et il se grignotait l'ongle de sa main libre.

-Oh putain, je sens que je ne vais pas rester ici, déjà Kerza et maintenant toi. Attends, on va passer par les ruelles, je connais un raccourci.

Comme pour lui répondre, un grondement lointain se fit entendre au moment où ils entrèrent dans une autre ruelle pavée. La pluie redoubla alors de violence, ce n'était pas encore l'averse mais la fine bruine n'était plus.

Elvin remit machinalement en place la mèche de ses cheveux. Il regardait les gens qu'ils croisaient d'un air absent, les pensées embrumées par le choc. Il était trempé, et ses vêtements collaient à sa peau, il sentait sa chemise se coller contre les poils de son dos. Il ne pensait plus qu'à prendre une douche.

-C'est encore loin chez toi ?

Il voulait rentrer pour se sentir plus en sécurité, la pluie le trempait jusqu'aux os, et il avait peur de rester comme ça dans la rue, ce que n'arrangeait pas Jazim qui continuait à se ronger les ongles.