Au plus profond du Cancer...

La nuit commençait à tomber sur le cancer de Nhale. A mesure que cette dernière tentait d’étouffer les derniers rayons de clarté, les serpents de lumières s’éveillaient dans les bas fonds de la cité. Aucune rédemption, aucune pitié, aucun remords n’étaient à attendre ici…Cette partie de Nhale était au-delà de toute loi. Si Azalée y entrait dans sa condition actuelle, il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même s’il lui arrivait quelque chose. Cependant, s’il ne prenait pas de risque dans sa position, jamais il ne pourrait vraiment avancer sans que cela lui prenne des siècles.

Il avait besoin de main d’œuvre, il avait besoin d’argent et surtout…Il avait besoin de trouver un moyen de s’approvisionner en matériel…Spécifique. Il avait besoin d’un catalyseur, il avait besoin de pierre de Res…Seulement, il savait que ce n’était pas avec ce qu’il touchait qu’il allait pouvoir se payer ce genre de chose. Il avait besoin de monter un commerce lucratif qui pourrait lui assurer une manne financière conséquente et régulière…Il n’était pas vraiment taillé pour la guerre et sans catalyseur, il ne pourrait faire long feu dans un combat…Le renseignement était pour le moins aléatoire pour le moment…

Il déambula donc un moment dans les rues…Cherchant des filles plus qu’agréables…des fleurs parmi les déchets de la société qu’il pourrait influencer. C’était Miss Frapp qui l’avait aiguillée dans ce sens, peut être pourrait il trouver plusieurs filles intéressantes avec certaines qualités ou compétences acceptant de se mettre généreusement à son service pour son beau sourire ? Il pouvait toujours rêver…Mais il n’avait rien a faire pour le moment si ce n’était cela…En fonction, il verrait s'il trouvait une idée...

Il y avait encore des passants à cette heure ci, pas au point d'une foule mais un nombre raisonnable. Par chance, personne ne remarquait vraiment Azalée. Au coin d'une rue, il vit bien un racket dans l'ombre d'une ruelle et des cris provenir d'un immeuble délabré de l'autre côté de la rue mais rien ne lui arriva.

Après quelques temps, il arriva dans une avenue assez large, avec quelques groupes réduits de prostituées, souvent campées devant des maisons. Il y en avait un peu pour tous les goûts, des vieilles, des jeunes, des maigres, des enveloppées... Néanmoins, l'œil d'Azalée fut surtout attiré par une mendiante. Pourtant, il faillit passer devant elle sans y porter plus d'attention.

Habillée de hardes grises qui lui couvrait tout le corps, elle était assise en tailleur par terre, devant un bol en terre cuite. Les épaules affaissées, la tête en avant, elle regardait de ses grands yeux fatigués un point imaginaire. Elle semblait jeune, dans les dix sept, dix huit ans. Peu de passants faisaient attention à elle mais quiconque savait passer outre la saleté couvrant son visage aurait découvert une pure beauté. Une rose cachée sous l'aspect décadent de la pauvreté. Des cheveux mi-longs de cendre, des yeux noirs et profonds, des traits d'une harmonie parfaite se révélaient quand on la regardait de plus près.

Plus il descendait dans les bas fond et plus il lui semblait voir la même chose, les mêmes scènes, la même...Agonie. A croire que l'enfer n'était que répétition. Toujours la même chose, toujours à se débattre et à garder la tête hors de l'eau, essayant de faire son chemin...Et puis venait le premier vol, le premier meurtre, la première fois qu'on vend ses charmes pour une bouchée de pain...Et enfin venait l'acceptation. On finissait par se dire qu'il n'y avait rien au delà de ce quartier, qu'il n'y avait aucun espoir ailleurs. Où plutôt, on finissait par comprendre que toute cette violence faisait maintenant partit de soit et qu'on ne pouvait plus s'en passer.

La gentillesse avait cédée sa place au cynisme, la confiance troquée pour la fierté, la douceur remplacée par la cupidité...Pourtant ce monde continuait d'exister, de vivre avec rage, s'accrochant à un morceau de bonheur trouvé au fond d'un verre ou dans les bras d'une fille d'un soir. Cette folie en était presque magnifique, un quartier qui semblait aspirer la vie elle même pour emplir les coeurs devenus creux de leur habitants. Des fantômes qui cherchaient à combler leur vide intérieur. La folie des hommes...Et celle des Sidh...Personne n'était épargnée...

Pourtant, Azalée les voyaient toujours comme des êtres conscients. Il respectait cette façon de vivre malgré tout...De continuer de garder quelque chose qui ressemblait à un spectre d'espoir...Agrippant tout ce qu'ils pouvaient pour se sortir de là...Avant que tout se termine dans le sang et les larmes. Il respectait cela...Car cela les rendaient plus malléable, plus prévisible et certainement...Très utile. Mais pour le moment, il ne voyait rien qui éveillait son désir. Toutes ces femmes étaient d'une laideur, qu'elle soit interne ou externe, cela lui donnait presque envie de vomir. Il soupira, regardant au sol, tombant sur une mendiante en haillons.

En temps normal, il ne se serait pas arrêté s'il n'avait pas remarqué l'éclat de ces yeux. Il s'accroupit, mettant ses bras sur ses jambes, en équilibre et pourtant penché sur la jeune fille admirant les yeux qu'elle possédait. Il y voyait cette acceptation...Et quelque part, une forme de puretée qu'il n'avait rarement vu. Il papillonna des yeux un moment avant de sourire avec candeur.

- Ils passent tous sans te voir...Comme si tu étais invisible...On dirait que toi et moi nous avons quelque chose en commun.

Il pencha légèrement la tête sur le côté en continuant de sourire. Il éprouvait quelque chose...Peut être de l'empathie envers cette enfant. Elle était encore bien jeune mais semblait vraiment vierge de tout...Une véritable page blanche. Mais sa voix pouvait elle l'atteindre ?

- Je m'appelle Azalée et toi ?

Il n'osa pas lui tendre la main de peur de l'effrayer...

La jeune fille mit un temps avant de relever ses yeux vides vers Azalée.

-Vous... Vous avez une petite pièce, monsieur? demanda t'elle machinalement et en tendant sa frêle main.

Le regard d'Azalée détermina alors que c'était une humaine même si, pendant une fraction de seconde, il crut apercevoir autre chose. Comme des images superposées. Une ambiance rougeâtre, une tenue différente, mais cela avait été si bref qu'il n'avait pas pu déterminer ce que c'était. Cette superposition engendra d'ailleurs un bruit désagréable, comme une bande déchirée.

-Une... petite pièce, réitéra t'elle doucement, sa voix le ramenant ainsi à la réalité.

Azalée papillonna des yeux...Autant par l'attitude de l'adolescente devant lui que par la brève vision qui lui avait été offerte. Elle était humaine ? Peut être des origines infernales ? A moins que cela n'est été qu'une vision d'un passé récent ? A vrai dire, il penchait plutôt pour cette solution. Une ambiance carmin...Avec ce genre d'attitude, cela avait surement été quelque chose de traumatisant. Quand ? Il ne savait pas...Quoi exactement, il ne pouvait le dire...Quand à ce qu'elle avait perdu, c'était aussi de l'ordre du mystère.

- Cela à du être dur pour toi de tout perdre...

Il prit doucement la main de la jeune fille entre les siennes, tout en lui souriant. Il ne savait pas si cela suffirait à lui faire reprendre ces esprits...Et encore moins si en avoir parlé lui serait favorable d'une manière ou d'une autre. C'était toujours très délicat de parler à une personne qui n'avait plus rien à perdre et aux blessures si profondément ancrées dans son âme.

- Tu veux en parler ?

La jeune fille ne parut pas réagir aux premières paroles de l'Incarné. Son regard restait toujours aussi terne et sans vie. Toutefois, dès qu'il lui prit la main tendue, l'effet fut immédiat. Elle la dégagea violemment de son étreinte et elle se recula contre le mur, l'air traqué... mais enfin, elle semblait le voir, un mélange de surprise et de peur dans son regard.

-Qui... Qui êtes vous?!

Elle le chercha un peu des yeux, comme si elle avait besoin de se réhabituer à sa propre conscience. L'apparence d'Azalée eut le don de l'effrayer davantage. Ses lèvres tremblèrent, comme si elle était sur le point de dire quelque chose mais aucun son ne voulut sortir de sa bouche. Sa frêle main alla se poser contre le mur, dans un geste vain de refuge.

Azalée laissa entrevoir une pointe d'étonnement quand à la réaction de la jeune fille. Il espérait certes qu'il se passe quelque chose, mais il ne s'attendait pas à quelque chose d'aussi brusque. Simulait elle jusque là ? Mais à la voir aussi soudainement paniquée, il avait l'impression que c'était peut être lié à lui...L'avait il déjà rencontré quelque part ? Il n'en n'avait pas l'impression...En même temps, il avait une mauvaise mémoire. Peut être était ce quelqu'un qui lui ressemblait un peu...A moins qu'elle n'avait perçu l'espace d'un instant sa véritable nature ? Impossible pour une humaine, non ?

Il fini par hausser les épaules. Il finirait par avoir des réponses. Mais maintenant, on abordait une phase on ne peut plus délicate avec la jeune femme. Elle était perturbée, paniquée...Et il avait l'impression qu'au moindre faux pas, elle allait s'enfuir ou faire une bêtise. La première chose qu'il devait faire, c'était de la rassurer, lui donner des repères et enfin lui donner des clés de compréhension pour lui permettre de faire des choix.

-Vous êtes dans les bas fond de Nhale...Pour une raison ou pour une autre, vous étiez entrain de faire la manche l'air totalement inconsciente de ce qui se trouvait autour de vous.

Azalée resta accroupi, jouant du bout du doigt avec le bol en souriant doucement.

-J'étais entrain de déambuler dans les bas fond quand j'ai ressentis quelque chose d'étrange en vous regardant. Comme si vous aviez perdu quelque chose d'important. J'espérais vous aider, vous offrir le gite et un métier qui vous auriez choisit et qu'en retour, vous me donneriez un coup de main dans mes affaires.

Le Sidh était honnête...Il ne mentait jamais...A vrai dire, il n'y avait rien de mal à aider son prochain et espérer quelque chose en retour ? Il espérait que son honnêteté serait récompensé...

-Maintenant, je me nomme Azalée. Je suis relativement nouveau en ville...Et je dois dire que je suis intrigué...Vous semblez...Mal à l'aise en ma compagnie. Vous aurais je fais du mal ? Ou peut être pourrais je vous aider ? Je dois dire que tout cela m'intéresse un peu. Si vous cherchez un endroit où vous cacher, j'ai un appartement dans le quartier historique si vous le voulez...

La jeune fille cligna des yeux, visiblement éberluée. Elle resta silencieuse un long instant après le discours d'Azalée, comme pour se donner le temps de réfléchir. En le regardant de façon plus attentive, elle sembla petit à petit se calmer, avant d'offrir une moue contrariée.

-Je ne vous crois pas, trancha t'elle froidement. Pas ici, dans les Bas Fonds, on ne vient jamais dans ce maudit endroit sans une bonne raison. Qu'est ce que vous me voulez vraiment?

Elle se colla un peu plus contre le mur tandis que ses yeux méfiants semblaient l'accuser. Apparemment, elle changea d'avis sur sa question et elle ne chercha pas à comprendre davantage.

-Je n'ai pas besoin de votre soi-disant "aide", partez. Laissez moi en paix, laissez moi tranquille!

Azalée sembla pour le peu...Surprit quelque part...Mais d'autre part, il devait avouer que ce genre de réaction n'était pas non plus quelque chose d'imprévisible. Cependant une question lui effleura l'esprit. Est ce que jusqu'ici tout n'était que comédie pour attirer les badauds et attirer la pitié...Ou son inconscience de tout à l'heure était réelle ? A vrai dire, il ne savait pas vraiment sur quel pied danser. Bah, il aurait juste à rester naturel. Il continua de jouer avec le petit bol en faisant une moue déçu et blessé d'être ainsi accusé alors qu'il venait de l'aider. Bien sûr, cela restait de manière caricatural et son sourire n'était jamais très loin.

- Héééé...Pourtant j'ai dis la vérité ! Je suis venu trouver des gens capable de m'aider. Des gens qui voulaient sortir de ce trou mais qui n'ont pas l'occasion de le faire...Je suis pas un grand humaniste. Je suis le pire des égoïstes...Mais je fais toujours en sorte que tout le monde y trouve son compte avec pas mal de largesse.

Il gloussa en lui montrant le bol.

- Qu'est ce que tu va faire ? Continuer à mendier ? A crever de faim jusqu'à perdre à nouveau conscience de tout ce qui t'entoure ?

Puis il montra les prostitués dans la ruelle derrière la jeune fille.

- Jusqu'à ce que tu en est assez et que tu devienne comme elle ? A te faire tabasser par un mac, a te battre avec les autres filles pour un bout de trottoir. A moins que tu ne commence à voler ou tuer...

Il ferma les yeux en souriant...

- Comprend moi bien...Ce ne sont pas de mauvaise chose en soit. Tout le monde fait ce qu'il peut pour survivre...Cependant, même entre la prostitué des bas fond et celle des plus grandes maisons de plaisir de Nhale, il y a tout un univers. Je ne choisirais pas ton destin à ta place...Je ne te jugerais pas...Je t'accepterais comme tu es ainsi que tes choix. Parce que j'ai besoin de toi. Je t'offre une chance d'être tout ce que tu désire et en échange, m'aider à accomplir mes propres objectifs. Assez honnête, non ? Mais bon, tu n'as pas l'air intéressée...Et puis tu as déjà certainement assez de soucis avec ceux qui te cherche...Ton air effrayée de tout à l'heure m'a donné l'impression que tu crains qu'on termine le travaille. Je me trompe ?

La jeune fille hoqueta une fois qu'Azalée eut fini son discours.

-Vous aider? Ah, ah... Ahahaha!

Elle commença à rire, presque comme une folle. Son frêle corps et ses hardes tremblaient sous ses convulsions mais cela tenait de plus en plus du rire nerveux et libératoire qu'autre chose. Elle ne semblait pas pouvoir s'arrêter un instant. Ce ne fut qu'après de longues minutes, qui attirèrent l'attention de quelques badauds, qu'elle se calma, les larmes aux yeux.

-Vous... vous me demandez ce que je désire être...? Mais rien, rien, je ne sais même pas comment je suis ici moi-même. Je veux juste rester là, assise, à laisser le temps ravager le reste de mon corps et de mon âme. Vous me faites rire avec vos grandes promesses qui n'ont aucune substance. Avoir besoin de moi, de moi? Ah, ah... Mais pour quoi au juste? De quoi mes pauvres mains pourraient être capables d'apporter quelque chose à qui que ce soit?

Elle les tendit, ces pauvres mains tremblantes et entourées de nombreuses bandelettes moisies vers lui. Alors, son sourire se transforma en rictus, ses rires en larmes. La douleur et la tristesse se peignirent de façon si naturelle qu'on aurait pu se demander si son expression d'avant n'était pas en réalité un songe. Elle se replia alors sur elle-même, ses bras croisées sur ses genoux, sa tête enfoncée dans ces derniers.

Ce fut à ce moment qu'une voix grave et musclée résonna.

-Qu'est ce que tu lui veux à cette nana? Qu'est ce que tu lui fais pour qu'elle crie comme ça depuis tout à l'heure, gringalet?

Derrière Azalée, se tenait un homme d'une carrure plutôt impressionnante. Vêtu de cuir, la barbe blonde, la casquette enfoncée sur ses petits yeux cruels, l'homme avait tout l'air d'un motard. Sa mâchoire carrée se crispa.

-Moi, j'aime pas les mecs qui embêtent les nanas, d'aucune façon.

Une prostituée adossée à un mur non loin, d'un genre plutôt criard et de mauvais goût, cracha de sa voix nasillarde.

-Ouai, vazy Frankie, montre lui à cette tapette qu'ici, c'est la rue des filles!

Peut être…Peut être y était il allé trop fort et trop rapidement…Cependant, il avait atteint un stade plutôt intéressant. Il avait sortit la jeune fille de sa contemplation de la vie pour finalement chambouler tout son système de pensé pour en arriver à un stade…Du moins le pensait il…Où elle se demandait ce qu’elle pouvait faire de ces mains là. Il resta accroupit à la regarder parler, en souriant doucement…Presque tendrement comme l’aurait fait un adulte envers une enfant.

- Je sais…Ce n’est pas facile de vivre avec tout cela sur le cœur…Tu as peur…Tu voudrais être seule, terré dans un coin sombre et que le monde t’oublie. Tu aimerais mourir tellement ton cœur vacille sous l’effet de la tristesse. Mais tout cela…C’est ce qui pourrait faire ta force un jour.

Il montra ses propres mains. Aussi frêle que la jeune femme…

- Ces mains sont creuses...Elles n’ont aucun pouvoir…Elles ne peuvent rien faire en effet. Cependant, elles peuvent caresser, elles peuvent aimer, elles peuvent tenir un stylo, cuisiner, dessiner…En leurs donnant du temps…Elles peuvent faire de grandes choses…Tout comme les tiennes. Regarde au plus profond de toi et demande-toi ce que peuvent faire ces mains. Regarde bien…Et je suis certain que tu trouveras quelque chose. Peut être…La recherche d’un passé oublié ? Je peux t’aider à chercher, tes mains peuvent ouvrir des journaux ou séduire ceux qui savent ce qui c’est produit…Mais peut être préfère tu la vengeance ? Car ces mains là peuvent aussi tenir une arme. Mettre ta tristesse et ta haine sur le dos de quelqu’un…C’est…Humain…non ? Tu as le choix…Mais si tu veux faire plaisir à ceux qui t’ont mise ici, continue de te lamenter et de profiter de toi. Tu peux me trouver n’importe où dans le quartier historique si tu change d’avis. En tout cas, je t’attendrais…Moi je tiens à toi…Et même si je ne suis pas encore capable de réaliser tes vœux, je peux te promettre que je serais toujours à tes côtés.

Lui restreindre le champ de ses possibilités pourraient peut être lui permettre de reprendre pied. Il lui fallait un cadre dans lequel se construire…Ou plutôt…Se reconstruire. Peut être que cela l’aiderait. Il l’espérait sincèrement. C’est vrai qu’une nouvelle garde du corps pourrait lui faire plaisir…Mais si elle optait pour le renseignement, cela lui irait aussi très bien. Avec un joli minois comme cela, elle pourrait tirer les vers du nez de presque n’importe qui…Mais d’un autre côté, les jolies femmes avec des armes…Ca le faisait limite baver…M’enfin bref passons. Le plus important resterait qu’il avait besoin de pions à la loyauté inébranlable. Et puis…La grosse voix se fit entendre. Il se retourna en papillonnant des yeux pour voir un barbu gronder comme si sa vie en dépendait.

C’était quoi ? Son mac ? Il s’amusait à la dépouiller ? Quoiqu’il en soit, Azalée n’était pas effrayé le moins du monde. Il se contenta de rester égal à lui-même…A croire qu’il n’avait pas peur de ce type même si intérieurement, il n’était pas des masses rassurées. Effectivement, un garde du corps ne serait pas du luxe. Ahhh si au moins il avait un catalyseur…Enfin ce truc dont Fael lui avait parlé. Il en aurait rapidement terminé avec lui. Il aurait pu inventer n’importe quelle histoire mais il n’avait pas envie de mentir, surtout pour un type comme lui.

- Ah ça ? C’est rien...J’ai juste ramassé son âme pour lui la rendre. Je trouvais ça bien plus utile que de lui donner une pièce pour qu’elle puisse continuer son agonie quelques jours de plus.

Il pencha légèrement la tête sur le côté en souriant doucement et scincèrement.

- Mais ca va aller...Elle commence à se souvenir de quel effet cela faisait d’être consciente de ce qui se passe autour d’elle. J’espère l’avoir aidé et pouvoir continuer à le faire à l’avenir.

Il se releva et s’inclina doucement

- Je suis désolé que cela est importuné votre journée. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur…J’aurais aimé vous offrir à boire pour me faire pardonner mais hélas, je suis plutôt à court d’argent ces temps ci…Oh tiens d’ailleurs, maintenant que j’y pense.

Il regarda l’homme dans les yeux, l’air détaché…Essayant de zapper le fait que…Frankie…Allait certainement essayer de lui faire un ravalement de façade gratuit.

- Je suis venu trouver une personne qu’une amie m’a conseillée de venir voir. Il s’agirait d’un marchand à la cargaison très…Exotique dirons nous. Du matériel a ne pas mettre entre toutes les mains…Oh, vous connaissez certainement mon amie. Elle est du genre à trainer avec une grosse épée façon fouet et aussi à aider les personnes dans le besoin...Enfin moyennant finance...Ah oui, elle a aussi un caractère de cochon et une tendance à vous prendre pour un idiot…C’était quoi déjà son nom ?

Il pencha la tête légèrement sur le côté essayant de se remémorer les noms…Mais il n’avait pas vraiment de mémoire pour cela.

La jeune fille releva un peu les yeux sur les mains d'Azalée et elle l'écouta parler, sans signe vraiment de réaction. Puis, le dénommé Frankie arriva et il écouta à son tour le discours d'Azalée. Il eut alors un air d'une profonde perplexité... qu'on pourrait qualifier de proche de l'incompréhension totale pour ne pas dire... idiot.

-Qu'est ce qu'ce charabia? Tu te fous de ma gueule c'est ça? Non mais regarde ça Mirlène! Il se fout de ma gueule avec ces histoires d'âmes je-ne-sais-pas quoi. T'es plutôt en train de raconter des conneries à cette nana. En plus, t'essayes... Quoi, de faire copain-copain? Non mais regardes cette tapette avec ses cheveux longs qui essayes de m'draguer et qui me parle en plus d'une autre nana que j'ne connais même pas. Des marchandises, hein? T'es un drogué, c'est ça? Putain, ça commence à pulluler dans le secteur!
-Quoi, t'as quelque chose contre les junkies, le motard?! balança un homme à l'air peu avenant mais moins baraqué qui s'appuyait sur une poubelle.

Frankie releva la tête sur celui qui avait osé l'interpeller.

-Ouai, tu fais pas parti de la bande de Kerl par hasard?
-J'en fais parti, Frankie! Et c'est pas ta bande de motards qui va faire la loi dans le secteur.
-Laisse Frankie...

La jeune fille venait enfin de prendre la parole. Le motard tourna alors la tête vers elle.

-Hé, hé, petiote, j'vais pas laisser ces connards t'emmener.

Le junkie lança un doigt d'honneur en sa direction.

-Kerl lui a déjà fait une proposition qu'elle ne peut pas refuser. Tu ne seras pas toujours là pour la materner et crois moi, ce jour là...

Azalée pencha la tête légèrement sur le côté en notant le comportement des deux protagonistes. Le motard appartenait il a une autre catégorie de personne ? Cela lui semblait...Etrange...Néanmoins, cela le fit sourire. Il ne pensait pas tomber sur ce genre de personne et encore moins dans les bas fonds. Frankie devait certainement être de ceux qui vivait les premiers dans le cancer avant qu'il ne devienne la proie des activités de plus en plus illégales. Un coeur pur sous une couverture de cuir en sommes...

-Hé bien, hé bien...Il me semblerait que je me sois trompé sur votre compte Monsieur Frankie...Je ne vous espérais pas aussi noble de coeur et d'esprit. Il est cependant à noter qu'il est plutôt rare de voir une personne de votre qualité en ces lieux. Veuillez me pardonner, je vais devoir me montrer plus précis vis à vis de mes propos

Le sidh cacha sa bouche derrière son poing pour se racler la gorge de manière élégante avant de prendre dans sa main son poignet droit.

-Je ne suis pas le genre d'homme que vous croyez Monsieur Frankie...Quand bien même vous êtes un bel homme, mes amours resteront auprès des femmes. Maintenant, je ne suis pas non plus un Junkie comme ce sinistre personnage ici présente et ne fait partit d'aucune bande. Cependant, vous avez raison sur un point...Je suis frêle...Et très sensible...A tel point que votre jeune amie a attiré mon attention...J'ai ressentis un grand vide en elle...Mais aussi...Qu'elle n'était pas de ce quartier à l'origine...J'ai eu l'impression qu'elle avait tout perdu et que c'était peut être lié au feu. Enfin

Il haussa une épaule.

-Je trouve qu'elle possède beaucoup de potentiel...Elle peut apprendre ce qu'elle veut si elle se trouve un but. En temps que protecteur, ne préfériez vous pas qu'elle change de vie ? Que de tristes individus n'en profite dans votre dos ? Son air fatigué de vivre ne vous brise pas le coeur ?

Il passa ses mains dans le dos dans une attitude presque féminine tout en continuant de sourire.

-Maintenant mon but ressemble étrangement au votre...Je cherche le pouvoir...Oh je vous rassure, je ne cherche pas à devenir un chef de clan ou quoique ce soit...Non...Je cherche le vrai pouvoir. Celui de n'avoir aucun regret, celui qui me permettra d'être fort, celui qui me permettra de réaliser des choses qui me tienne à coeur...De protéger ceux qui me sont proche...Leur permettre de vivre une vie heureuse et épanouie. Vous avez raison...Je suis faible...Et j'ai besoin des autres...Pour me protéger, me soutenir, m'aider...Et je veux en échange leur donner ce dont ils ont besoins...Voir même un but à atteindre. Ce qui est le cas de votre amie. Je veux lui donner un but, des capacités, une autre vie...

Il ferma doucement les yeux.

-Vous aussi Monsieur Frankie, vous recherchez cela. Vous et vos amis vous rassemblez pour être plus fort ensemble...Avoir le pouvoir d'être vous même sans avoir de rendre de compte à personne. Uniquement le plaisir de rouler tous ensemble, de rire ensemble, de protéger ce que vous aimer...Et que sais je encore ?

Il hocha la tête lentement.

-Cependant, je ne force personne...Je ne veux pas vivre la vie d'une autre à sa place. Je n'ai pas besoin de marionnette, ni de gens sans volonté...J'ai besoin de gens qui veulent s'en sortir. Un seul pas suffira pour moi pour prouver cette volonté...Par contre je doute que ce Kerl soit aussi généreux dans ce genre d'offre...Si je puis me permettre Monsieur Frankie, si vous tenez vraiment à cette demoiselle, vous devriez l'emmener avec vous dans un endroit plus certain.

Frankie cracha sur le côté.

-L'blaireau là, il dit la vérité la tapette?
-Non, sa frimousse ne me dit rien. Hé toi là, écoutes pas ce connard coincé. Vaut mieux compter avec Kerl. Kerl lui, c'est un grand, un vrai, il a la main mise déjà sur la moitié des Bas Fonds alors qu'eux... C'est juste un passage dans notre beau Cancer, fit l'homme en riant. En plus, tu as beau bien parler, je suis sûr qu'il doit rien piger le Frankie à ce que tu lui balances depuis tout à l'heure.

La moustache du motard sembla friser aux mots du junkie. Du moins, jusqu'à ce que la prostituée à la voix criarde n'intervienne derrière lui.

-La petite a raison, ça n'en vaut pas la peine. Ce n'est pas le moment de déclarer une guerre avec la tension entre les gangs.

Frankie renifla.

-Je lui concède un truc à la tapette, la p'tiote n'est pas en sécurité ici. Eleonore, pourquoi tu viens pas au QG? dit il presque avec une voix empreinte de douceur.

La jeune fille releva faiblement la tête à l'évocation de son nom, avant de la rabaisser, ses bras encerclant toujours ses genoux.

-Je suis bien ici...
-Fous lui la paix, Frankie. Laisse la faire ce qu'elle veut, elle est assez grande pour ça.
-J't'ai sonné?! Et puis, toi le frêle... dit le motard en désignant Azalée. Je n'aime pas tes magouilles, parce que tu sens la magouille, je m'y connais. C'est pas parce que je n'ai pas été élevé dans du beau linge que je suis con, ok?! Si tu viens rajouter ta merde d'ambition par dessus celles de tous ces putains de gangs, je te dévisse la tête. Bon, mais comme c'est pas le bon jour, je te laisse déguerpir pour cette fois mais la prochaine, t'as intérêt à te tenir à carreau. Ce qui ne vaut pas pour le junkie, Kerl, je vais lui foutre une balle entre les deux yeux s'il ne sait pas où est sa place et t'auras pas intérêt à te mettre au milieu.

L'homme se mit à rire ouvertement à sa menace. Frankie commença alors à s'avancer vers lui, visiblement pour lui apprendre le respect. Du moins, jusqu'à ce que la prostituée courut pour lui prendre le bras.

-Allez, mon grand, j'ai un excellent alcool chez moi, je suis sûre que tu vas avoir besoin de réconfort, fit elle en le caressant.

Le motard eut une seconde d'hésitation, puis il accepta l'invitation. Il pointa du doigt le junkie d'une voix rauque avant de partir.

-On se reverra.
-Pour sûr.

Azalée regarda le motard partir tout en soupirant avant de se gratter l’oreille de manière nonchalante comme si la menace du motard avait autant de consistance que l’air qu’il avait du expulser pour dire autant de préjugés et de sophismes en moins d’une fraction de seconde. Cela sentait l’amertume et de loin…Il lui jetait à la tête toute sa rancœur sans même à chercher plus loin que le bout de son nez. Le Sidh pencha la tête sur le côté, ennuyé par une telle personnalité qui ne comprendrait certainement pas pourquoi il allait mourir le jour où il se prendrait une balle dans le dos de la part d’un Junkie.

- Si j’ai droit à un avertissement de votre part…Je ne peux que vous prévenir vous aussi…Ce n’est pas parce qu’un homme n’a pas la carrure d’un champion de poids lourds qu’il est plus dangereux qu’un autre. Les balles, le couteau et le poison sont tout aussi mortel sans qu’on est besoin de muscle…

Son regard si amusé et si amical laissa la place à un regard d’une froideur qui dénotait par rapport au personnage. Il n’y avait pas là signe d’une vengeance ultérieur, ni tentative d’impressionner une tête de mule comme Frankie. Non…Juste un regard franc, froid et…Dangereux.

-…Cependant je n’ais pas recourt à ce genre de procédé. Enfin disons que je n’en n’est pas l’utilité. Bref, voilà ce qu’on gagne à rester poli…

Il le regarda partir avant de hausser les épaules.

-Et il serait surprit de savoir que je suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Enfin, j’éviterais de me casser le cul à causer correct à un type qui pense que taper du poing et hurler peut lui permettre d’imposer sa loi…

Il roula des yeux

-Foncer tête baissé vers une personne dont il n’a pu estimer l’importance et se fier à ce qu’il voit pour se dire qu’il n’est pas dangereux. J’aurais été noble, l’idée ne l’aurait pas effleuré que j’aurais pu envoyer une milice nettoyer son QG

Il soupira une nouvelle fois…S’il n’y avait pas eu la jeune femme…Azalée aurait agit bien différemment. Il se gratta la tempe de l’index en se disant qu’il parlait un peu tout seul…De ce qu’il en avait comprit, il y avait plusieurs gangs dans les bas fond…Son altercation avec Frankie montrait bien que les tensions entre les territoires étaient grandissantes…Cependant, entre les idiots d’un côté et les junkies de l’autre…Il n’y avait pas vraiment de quoi l’intéresser. Si Kerl goutait à sa marchandise, il devait être du genre paranoïaque à la gâchette facile. En d’autres termes…Il n’y gagnerait rien en se rangeant du côté du côté des barbus pleins de muscles et les junkies auraient tôt fait de le doubler s’il venait à les aider.

Et dans toute cette histoire…Il n’avait aucun moyen de ramener Eléonore dans son giron. Même s’il se rapprochait des bikers, Eléonore n’allait pas lui être donné pour autant…Et s’il se rapprochait des junkies…Il ne voulait pas non plus d’une esclave servile…Il se laissa aller contre le mur et se laissa glisser jusqu’au sol, les mains dans les poches, l’air sévèrement fatigué pour une tâche qui lui semblait pourtant très simple au départ. Mais peut être avait il visé trop loin trop vite…Avant toute chose, il aurait du engager un garde du corps…Le soucis c’est qu’il n’avait aucun gros revenu…Il lui en fallait pourtant un et du genre dangereux avec une bonne lame. Il soupira avant de pencher la tête vers la jeune femme.

-Et toi ? T’en pense quoi de tout ça ? Probablement que ça te passe au dessus. Tu dois te sentir si vide…A te demander si tu fais simplement pas semblant de vivre alors que tu n’es plus qu’une coquille qui se vide de sa substance. Perdre ton esprit à vivre ici va vraiment profiter à quelqu’un…Avec un aussi beau visage que le tiens, cela ne m’étonnerait pas que ce soit toi…Qui est vé...

Azalée releva le regard vers le Junkie. Les mots lui revinrent…Une proposition qu’elle ne pouvait pas refuser…Il avait prit cela pour une possible proposition de prostitution…Mais ce pouvait il que ce Kerf est quelques informations concernant Eléanore ? Dans une position comme la sienne, avoir un accord avec une bonne maison pour une belle somme d’argent était la promesse de drogue ou d’arme en plus…Dans une guerre des gangs qui se préparaient…Ce n’était pas négligeable. La raison pour laquelle ils ne l’avaient pas encore prise de force était certainement les bikers. Enfin…C’était une supposition…

- Vous avez mentionné le nom de Kerf ? Je suis à la recherche d’un matériel un peu sophistiqué et mystique…Pas de la drogue mais bien quelque chose de bien plus précieux. Du genre...Mit à l’index par un certain organisme dont le nom évoque une certaine crainte et qui fonctionne à l'énergie Ren. Pensez vous que votre chef pourrait me renseigner à ce sujet ? Peut être pourriez vous aussi m’en dire plus sur les tensions des bas fonds et sur la proposition que votre chef à faite à cette jeune femme ?

-Kerl! Kerl, pas Kerf! Pour les matériaux illégaux, il a peut-être des contacts à ce niveau mais je suis trop bas dans la hiérarchie pour connaître toutes ses petites affaires. Je sais juste que s'il y a un mec sur qui on peut compter, c'est bien Kerl. Mais écoute le brun, si ça t'intéresse, tu n'as qu'à te pointer à l'entrepôt abandonné 19, sur la troisième avenue à partir d'ici et dire aux copains que c'est O'scernet qui t'envoie. Pour la proposition, désolé mec, je suis tenu au silence, tu poseras directement la question au boss si tu veux vraiment savoir. Allez, je me taille, l'endroit pue trop le biker, à plus ma belle, dit il en s'adressant et en riant à la mendiante avant de s'éclipser.

Il y eut un long moment de silence. Même les bavardages des passants et des prostitués semblaient bien lointains.

-Je ne suis pas d'accord.

La faible voix d'Eleonore finit par tomber.

-Ici, c'est les Bas Fonds. Un noble ne se risquerait jamais à entrer ici, aucun ne serait assez fou pour ça. C'est toujours des intermédiaires qu'ils envoient et même quand ils se font tués, ils ne se risqueraient jamais à une vendetta. Ce serait toute la population du Cancer qui s'abattrait sur le groupe qui viendrait. Même s'ils sont divisés, les pauvres savent se réunir pour abattre toute tentative de changement, même infimes. Les faibles n'ont leur place que pour être soumis par les plus forts, c'est ce qui est implicitement écrit dans les lois immuables de ce lieu. Sauf si on est sous la protection de quelqu'un ou d'un clan. Tu as de la chance d'être tombé sur Frankie. Tout comme moi. Mais vous êtes fier, vous ne pouvez pas comprendre...

Elle reposa ensuite son menton sur ses bras repliés, le regard toujours tourné vers un point lointain devant elle.

Le Sidh se laissait simplement aller contre le mur. Regarder la vie passer sous ses yeux avaient un aspect étrangement hypnotique quand on n'y prenait pas garde. Rien n'allait dans le sens qu'il espérait et il était prêt à parier qu'aller dans cet entrepôt revenait à se jeter dans la gueule du loup sans espoir de retour...

Il ne fut tiré de sa rêverie que par le son de la voix d'Eléonore qui pour une fois, faisait preuve d'un peu d'esprit et d'analyse...Finalement tout n'était peut être pas perdu pour elle...

-Fierté hein ?

Il se gratta la nuque en baissant légèrement le regard avant de regarder les étoiles.


-Je suis pas idiot au point de penser que je ne m'en serais pas sortit sans blessure...Mais tu ne devrais pas me sous estimer toi non plus. Les apparences sont souvent trompeuse...C'est peut être pour cela que je trouve cela si intéressant de ne pas mentir...Même quand on la partage, personne ne vous croit devant l'ampleur de la chose


Il regarda la jeune fille du coin de l'oeil.


-Mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas comprendre la souffrance...Pendant longtemps, on m'a forcé à jouer un rôle...de répondre aux voeux d'une femme pour qui le temps c'est arrêté...Cette souffrance est encore vivace dans mon corps...Le seul loisir que j'avais, c'était de regarder par la fenêtre les visiteurs qui se perdaient dans le domaine...Se contenter de regarder la vie défiler....C'était pas si mal...

-Je dis seulement ce qui est vrai, uniquement ce qui est vrai...

Elle resta silencieuse un long moment, son regard toujours le vague. Il était difficile de savoir si elle avait vraiment écouté Azalée. Ses lèvres figées dans une moue qu'on ne pouvait voir imprimé que chez les personnes qui avaient connu tous les stades de la déchéance, elle finit par dire.

-J'ai faim.

Une seule et unique phrase, si simple mais qui exprimait pour la première fois un désir de la part d'Eleonore. Sa bouche resta entrouverte comme si cela la surprenait elle même ou comme si elle avait du mal à se sortir de sa propre torpeur. L'air se brouilla à nouveau devant Azalée, deux visions s'interposèrent, se combattirent dans un bruit de déchirure. Comme il regardait la jeune fille du coin de l'oeil, il eut une autre expression de sa part: un sourire machiavélique sous fond rouge. Là encore, elle portait d'autres vêtements qu'il eut du mal à capter même s'il pouvait dire qu'ils étaient neufs. C'était la même posture mais dans un lieu et temps qu'il n'arrivait pas non plus à déterminer. En une seconde, c'était fini.

Elle était toujours là, avec ses traits amaigris et fatigués, sa tristesse imprimée sur son visage.

Le Sidh fut légèrement étonné d'entendre une réponse de la part de la jeune fille. Même si elle était totalement décalée, que cela n'avait rien à voir...Ces simples mots semblaient montrer un début de volonté chez elle. Etait ce une manière détournée d'appeler enfin à l'aide ? Peut être...Cela le fit sourire tout du moins jusqu'à ce qu'il perçoive ce déchirement, cette vision qui lui vrilla les sens.



Cela ne dura même pas le temps d'un battement...Mais déjà Azalée sentait son appétit être excité par cette révélation. Oh combien il avait soupçonné cette jeune femme d'être engeance de noble ou bourgeois...Mais il avait préféré en faire une victime que de regarder une autre vérité. Cette femme avait elle charmée les hommes de bonne lignée pour ensuite les laisser dans la ruine ? Pas étonnant qu'ils se soient vengés. Quand bien même cela pouvait expliquer cette fatigue mentale et cette volonté de ne rien faire.

Mais il était trop tôt pour polémiquer sur des visions. Elles étaient éphémères et généralement, ils y avaient plusieurs explications à une situation donnée...Cela pouvait tout aussi bien être sa mère ou une soeur jumelle...Tant qu'il n'avait pas plus d'information, il ne devrait pas se baser dessus...Tout au plus devait il se méfier de la bête qui pouvait se révéler plus rusée qu'elle n'en n'avait l'air.

-Tu...veux venir avec moi ?

Peut être pouvait il charmer la gérante pour qu'elle lui fasse à manger...

La jeune femme releva la tête avant de la rabaisser, à bout de forces.

-Oui...

Elle inspira un coup, puis elle réitéra.

-J'ai faim...

La note était cette fois plus plaintive, comme si une autre limite venait d'être franchie dans son désespoir.

Azalée soupira...Puis se leva, tendant sa main à la jeune fille...Du moins, si elle désirait de l'aide pour se lever. Peut être devrait il tenter une autre approche et la laisser venir à lui ? C'était un peu laxiste mais...Au final, elle n'était peut être pas pour lui. Il haussa les épaules...Dorénavant, il attendrait un peu avant de proposer quoique ce soit à quelqu'un. Après tout, c'était lui l'observateur. Il était beaucoup trop excité par l'idée d'être en liberté qu'il en à oublié certaine chose. Moins on parle, plus on est mystérieux, plus les gens cherchent à creuser et à trouver des réponses d'elles même. Personne ne voulait qu'on lui explique la vie après tout.

- Ok, tâchons de trouver un endroit pas trop cher et qui remplisse bien ton estomac

Après tout, la fortune du Sidh n'était vraiment pas si étendue que cela...Il se mit donc en quête d'une vente ambulante qui pourrait satisfaire la jeune femme.

La jeune fille lui prit la main et se releva péniblement, les muscles ankylosés à force d'être restée autant prostrée. Elle le suivit, les épaules courbées, semblant davantage à une masse épaisse de tissus gris se déplaçant. Ils ne tardèrent pas à trouver une rôtisserie ambulante à la lisière des Bas Fonds.

Le vendeur, un jeune homme jeune et bien portant, offrit une brochette à Eléonore pour la moitié du prix quand il comprit que c'était pour une mendiante. Deux aurels en moins après, la jeune fille mordait férocement dans la viande tendre et cuite, sans aucun ménagement et avec la vivacité commune aux affamés, dans des bruits de déchirement peu discrets et peu élégants. Il ne lui fallut que peu de temps pour en venir à bout.

Lâchant le mince bâton à terre, elle regardait de son petit regard furtif Azalée, semblant indécise. Puis, finalement, elle murmura un:

-Merci, maladroit.

Azalée regarda la jeune fille manger avec une voracité qu'il pouvait que trop comprendre. Lui aussi était dans la même situation quelques heures plus tôt...D'ailleurs en y repensant, la jeune fille croyait suffisamment en lui pour lui permettre d'éviter un repas. Cet avantage en lui même la rendait plus précieuse encore. Le Sidh haussa les épaules en penchant la tête.

- De rien...Tu avais vraiment faim et c'est un beau compliment que tu fais au cuisinier en ayant tout avalé d'un trait.Tu te sens mieux maintenant ?

Il sourit doucement en regardant autour de lui. La lisière des bas fonds...c'était tout de même plus calme qu'il ne le pensait. Comparé à la marée humaine et l'ambiance glaude d'il y a quelques minutes, il n'y avait pas photo. Etrange que la petite s'y sente si bien...Mais en même temps pour un Sidh comme lui, c'était le genre de commentaire ironique dont il devrait se passer.

- Il y a autre chose que tu aimerais faire ?

Éléonore regarda brièvement par terre, comme si elle devait réfléchir. Puis, elle secoua la tête.

-A part... dormir... Peut-être... Je n'ai nulle part où aller...

Les désirs de la jeune fille semblaient pour le moment bloqués aux fonctions essentielles de la survie: manger, boire, dormir. Elle eut néanmoins un faible sourire à l'évocation du cuisine, très bref, avant de retourner à son air vague habituel.

Azalée réfléchit un moment...Pour l'instant, se rendre auprès des junkies pour dégotter un catalyseur ne semblait pas une option très certaine. Il vallait mieux envoyer quelqu'un à sa place et de toute façon, il n'était pas certain d'avoir la somme nécessaire pour se le payer...Ni l'envie d'aider un petit tyran à assoir son autorité surtout qu'il le trahirait à la première occasion.

Non, il valait mieux rentrer pour le moment. S'il n'attirait pas l'attention, il n'aurait aucun besoin d'avoir un catalyseur pour le moment. Etudier dans la libraire, essayer de donner un futur a Eléonore...Tiens, il pourrait étudier aussi sa dernière trouvaille et creuser un peu dans le passé d'Eléonore. Il pourrait toujours la déposer à la maison et mener une petite enquête rapide.

Si c'était une vision du passé, elle devait être d'une certaine extraction. Il devrait pouvoir trouver quelque chose dans un journal ou peut être dans les archives de la milice...Il devait nécessairement y avoir une piste quelque part. Et s'il fouillait dans les archives, il pouvait toujours mener son enquête sur le médaillon.

Il hocha la tête et se tourna vers sa jeune protégée.

- Très bien, on peut rentrer à la maison et tu pourras dormir autant que tu veux. Mais il va falloir que je fasse quelques recherches, tu pourras attendre à la maison en attendant ?

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