A la recherche d'une librairie

Les pas du Sidh le ramenèrent donc vers sa première destination...Le quartier historique qu'il avait quitté quelques heures plus tôt. Il n'avait pas prêter attention aux boutiques alors mais cette fois ci, il se devait de garder l'œil ouvert. Cette recherche était vraiment plus compliqué qu'il n'y paraissait et la chance ne semblait pas être avec lui.

Qu'a cela ne tienne ! Il trouverait bien ici ! Au pire, il se rendrait dans les bas fond plus tard. Les vendeurs exotiques seraient certainement moins dur à trouver...

Mais pour le moment, il se concentrait sur les boutiques...Demandant son chemin pour trouver ce qu'il rêvait d'être son tremplin vers les hautes sphères...Il avait déjà quelques idées en tête pour transformer cette petite librairie en quelque chose d'intéressant. Mais il mit de côté cela pour être tout à sa recherche...En espérant ne pas tomber sur quelque chose d'intéressant cette fois !

L'après midi avait bien avancé depuis le début de ses recherches. Néanmoins, le Sidh semblait s'être décidé à poursuivre ce qu'il avait commencé.

Sur les conseils de la dame âgée, il se rendit à nouveau dans le Quartier Historique, relique d'un âge passé. Les boutiques d'antiquité ou de luxe ancien y étaient légions. Tout le quartier était pavé et peu de véhicules y passaient, hormis des calèches ou des chevaux. On se sentait toujours un peu dans un autre monde mais il y avait moins de passants à cette heure ci de la journée.

Il allait commencer à demander son chemin au détour d'une ruelle, quand un insigne attira son attention par son mouvement balancier. Il était discret mais le signe représenté dessus était un peu inhabituel pour une librairie... Car il s'agissait bien d'une librairie, coincée entre une ruelle et un modeste immeuble de quatre étages. Il aurait pu passer devant s'il n'avait pas été aussi attentif par rapport à d'autres. Le signe était un oiseau indéterminé qui tournait les pages d'un livre avec sa patte.

La vitrine poussiéreuse indiquait les lettres : "La Bookprey Librairie", en vert sombre. Quand Azalée se fut décidé à rentrer, tournant la poignée de bronze, une minuscule cloche vaguement dorée tinta au même instant que la porte s'ouvrait en grinçant sur le marbre blanchâtre qui présentait des fissures à certains endroits.

En entrant à l'intérieur, Azalée put sentir différentes odeurs qui, entre les pages jaunies, la poussière et le bois, donnaient un parfum particulier à l'endroit. L'établissement était modeste... étroit. Quelques étalages de livres empilés rendaient le passage difficile. Tous les murs étaient recouverts de bibliothèques qui montaient jusqu'au plafond, tandis que le seul éclairage possible était une large lucarne en hauteur qui laissait passer la lumière à l'arrière de la boutique. Ce raie horizontal, changé en lumière bleuté, contribuait à donner à l'endroit des allures presque mystiques.

Enfin, parmi tout ce fatras, une silhouette était penchée sur un des étalages, faisant dos à Azalée.

Comment décrire un tel personnage, si ce n'était par le mot... inhabituel. Son unique vêtement semblait être une étoffe noire élimée par le temps qui le recouvrait de la tête au pied, tête couverte par cette capuche improvisée. De ce que l'Incarnation pouvait voir de l'homme affairé, c'étaient ses mains exposées à la lumière. Entièrement couverts de bandelettes jaunies. Ce dernier ne sembla pas se retourner au son de la clochette, visiblement très concentré à replacer une pile de livres sur l'étalage.

Azalée bailla tout en se grattant la nuque. Il y avait passé plusieurs heures mais toujours aucunes traces de la librairie rêvée. Peut être devrait il arrêter là pour aujourd’hui et continuer demain ? Peut être devrait il se concentrer sur un hôtel pour ce soir ? L’idée faisait son bonhomme de chemin quand il passa dans une ruelle sans y faire attention. Ce ne fut qu’un grincement particulièrement agaçant qui lui fit lever la tête…Pour remarquer l’enseigne particulière. Il regarda autour de lui pour vérifier l’emplacement. De l’extérieur, cela semblait un peu petit mais il y avait toujours moyen d’améliorer cela. Le quartier convenait…Cela semblait être parfait à première vue.

En entrant dans l’édifice, il devait bien avouer qu’il n’était pas déçut. L’atmosphère y était pour le moins particulière…Ancienne…Et pour le moins intéressante. Un chaos sans nom régnait ici bas…Mais si la librairie tenait encore debout malgré ces allures peu avenante et son agencement particulier…C’est qu’il devait y avoir une raison. Le Sidh se sentait pour le moins excité par cette découverte qui lui avait prit une après midi. Mais il était tombé sur un véritable petit bijou…Un peu brut certes…Mais cela lui convenait.

Il fini par apercevoir la personne en charge des lieux…Il fut légèrement désappointé de tomber sur un homme…Mais les bandages attirèrent son attention. Pour en porter autant, il n’y avait que deux types de personne. Soit un ancien malade portant les séquelles d’une grave maladie…Soit un Sidh atteint d’une mutation particulièrement voyante.

Il frappa au comptoir et sourit doucement.

- Bonjour…Je me nomme Azalée et…Par le plus grand des hasards, je suis tombé sur cette boutique alors que je cherchais un emploi. Avez-vous besoin d’un employé par chance ?

Un souffle rauque et une légère quinte de taux lui répondit tout d'abord. Puis, Azalée entendit le frottement de ses pas tandis que l'homme encapuchonné se plaçait derrière le comptoir. Il était totalement impossible de voir son visage, et il était courbé, les épaules tombantes. Ainsi, il était presque à la taille d'Azalée alors s'il se redressait... Il serait certainement bien plus grand.

L'homme resta immobile un long instant, le visage un peu relevé vers l'Incarnation. Le temps parut même être suspendu, le rythme de la pendule derrière le libraire se balançant presque lentement tant ce dernier prit du temps à réagir.

Finalement, une voix grave, plutôt mâture, sortit de cette ombre, un peu étonnée.

-C'est pour quoi?

L'incarnation regarda un moment son interlocuteur. Il n'aurait pas aimé tirer des conclusions hâtives à son sujet...mais il lui semblait que sa première hypothèse soit la bonne en entendant la toux grasse...Bien sûr, il y avait forcement d'autres explications mais si cette personne était faible physiquement, cela lui irait pour plusieurs raisons...et la première serait qu'il y aurait forcement besoin d'un employé.

- Hé bien...Comme je le disais, je suis nouveau dans Nhale et je cherchais un endroit où gagner ma vie. Je suis encore très jeune mais je me demandais si je ne pouvais pas travailler ici.

Il n'avait pas vraiment mentit...Il avait surtout besoin de connaissance et il lui semblait qu'ici, il aurait tout le temps nécessaire pour cela. N'ayant pas vraiment besoin de dormir, ses nuits risquaient d'être très longues...Lire serait un passe temps agréable le temps qu'il réunisse toute les informations dont il avait besoin.

- J'aime bien cette librairie et je me demandais donc si vous n'aviez pas besoin de quelqu'un pour vous aider. Je suis peut être un novice mais je met beaucoup de coeur a l'ouvrage !

Il avait parlé avec franchise. Comme il le faisait toujours...Mais il ne savait si cela suffirait pour aujourd'hui. Qu'a cela ne tienne, il avait toujours quelques tours dans sa manche en cas d'échec.

L'être se dandina un peu de gauche et à droite comme s'il avait besoin de réfléchir à quelque chose. Un petit moment après, il attrapa la main de l'Incarnation avec une vivacité assez peu croyable. Azalée put sentir les doigts fébriles de l'homme écarter la paume de sa main, malaxer cette dernière, triturer ses doigts.

-Hmm, oui, oui, intéressant, intéressant... fit il en bougeant de la tête, comme si son regard cherchait les moindres détails de la main d'Azalée.

L'incarnation se laissa faire...de toute façon, il n'avait pas eu le temps d'esquisser le moindre mouvement. Cependant, il ne devait noter qu'une nouvelle chose qu'il aurait certainement du faire plus tôt...Son interlocuteur semblait pour le moins aveugle. Qu'essayait il d'étudier à travers sa main ? C'était bien la première fois qu'il voyait une telle chose...

En essayant de pousser le raisonnement, un aveugle devait forcement développer ces autres sens...Il devait forcement trouver une réponse dans sa main. Mais laquelle ? Il aurait été plus simple de toucher son visage pour se faire une idée de son apparence. De ses épaules et sa poitrine pour avoir une vision de sa corpulence...Cependant, c'était sa main qui l'intéressait...

*Hum...Je crois que j'y suis...En étudiant ma main, il essaye de déterminer mon histoire. Si elle ne possède pas de Cal, il saura que je n'ais jamais été très manuel. Que ce soit dans les armes ou le maniement de la fourche. Je ne peux être qu'un citadin pour lui. L'odeur que je dois dégager étant exempt de parfum, il sait que je ne suis pas un noble ou quelque chose dans le genre...Mais qu'arrive t'il a déterminer d'autre avec ma main ? Recherche t'il un trait de caractère particulier ? Peut être mes ongles coupés lui permettront de déterminer que je suis soigné et que je prend soin de mon apparence...*

Mais il avait beau chercher encore plus loin, il ne pouvait pas vraiment savoir ce que sont interlocuteur avait trouvé de plus...Ni quel genre de caractère il cherchait...Le fait qu'il ne lui est pas opposé un nom catégorique était une bonne chose en soit.

- Mon histoire et mon caractère vous semble t'il compatible avec cette boutique ? Ou trouvez vous quelque chose d'intéressant à lire dans les lignes de ma main ?

Il ne devait pas être le seul à jouer à ce genre de jeu. Lui aussi pouvait faire quelque chose en attendant...

Pendant qu'Azalée le laissait faire et l'interrogeait, l'individu hochait la tête doucement. Il finit par lâcher la main de l'Incarné et toussota un peu. Sa voix grave reprit, semblant presque émaner de nulle part.

-La réponse est oui, mais cette librairie veut des règles précises alors si tu te sens de les respecter, ta place est ici.

Il se détourna derechef pour s'approcher d'un tas de livres avant de désigner d'un long doigt osseux et bandé la lucarne.

-Le travail commence à la matinée, dès l'aube, 6h12 exactement. Ton rôle ici sera de trier et de ranger les livres déplacés. Un homme âgé comme moi ne peut plus le faire. Tu es libéré ensuite à 10h12 pile! Sois ponctuel. Tu es payé à la semaine, 250 aurels.

L'homme lui fit alors dos, laissant toute aptitude à Azalée de faire appel à ses sens d'Incarnation. La première chose qu'il vit... ce fut rien. Aucune aura, aucune présence, comme s'il était la seule "personne" dans cette pièce. Puis, il eut des sensations étranges, comme si tout était matériel, sauf à l'endroit où se tenait l'individu. Un gouffre béant, un noir absolu furent les seules sensations à peu près descriptibles par Azalée.

Tout concentré qu'il était, il ne vit pas que l'individu s'était soudainement approcher.

-Et tu t'appelles comment, en fait...?

L'incarnation ne c'était pas trompé...Quelque part, cela lui faisait plaisir mais dans le même temps, cela aurait été plus simple si l'ancien avait été humain. Voilà donc l'un des secrets de cette librairie...Son propriétaire...Il avait beau regarder, il ne voyait rien...Les premières questions fusèrent dans son esprit...La première semblait la plus plausible. Est ce que le vieil homme était vraiment ici ou s'agissait il d'une illusion ? Même lui qui n'était qu'un paradoxe avait un semblant d'existence matérielle. Cependant son interlocuteur ne ressemblait...A rien de ce qu'il avait pu croiser jusqu'alors.

Est ce que cela avait un rapport avec les confins ?

Cette idée le fit sourire...Mais il n'avait vu aucun signe qui en atteste la présence ici. Quel sujet passionnant cela pourrait être. Mais il se garda bien de le penser de manière plus appuyé. Il ne connaissait pas les aptitudes de cette...Chose. Mais peut être avait il déjà tout vu au creux de sa main ? Voilà qui devrait occuper son esprit un moment.

Venait ensuite les règles de la maison. Trier les livres pendant une période précise. Pour ne pas déranger les clients ? Vu qu'ils étaient en milieu voir fin d'après midi...Ce n'était pas en rapport avec sa nature vide. La boutique était réelle...Non, le mot clé était certainement ponctualité. Le temps devait être important pour son nouveau "patron" ou du moins le respect du temps. Les douze minutes rajoutés intentionnellement devait être de l'ordre du maniaque...Il se gratta la joue en se disant de mettre cela de côté pour le moment.

- Mmm...Cela me va. Je me nomme Azalée...Et si vous le permettez, j'aimerais profiter de mon temps libre à lire dans les étales si vous n'y voyez pas d'inconvénient. J'aimerais parfaire mes connaissances...Auriez vous par hasard une montre à me donner et si j'osais abuser de votre bonté, une idée sur un logement non loin ?

Il sourit légèrement.

- Je suis un nouveau en ville et j'avoue ne rien savoir de Nhale...

-Si tu veux, si tu veux, cette librairie se laisse lire à ceux qui savent réellement le faire.

L'homme regarda la pendule qui oscillait doucement dans la pénombre. Celle ci indiquait: 17h12.

-Il est temps que tu y ailles, Azalée. Oui, oui, je vais te donner les connaissances nécessaires à ton chemin. Quelques rues plus loin, une certaine Miss Frapp héberge les gens dans son petit immeuble, ce n'est pas cher alors il y a beaucoup d'étudiants. J'ai entendu dire qu'elle en avait renvoyé un pour mauvais comportement. Tu devrais aller là bas et ne pas oublier que tu commences ton travail demain.

Sur ces mots, il s'enfonça davantage dans la librairie et ouvrit une porte dans la pénombre. Il l'ouvrit, pénétra à l'intérieur sans qu'Azalée ne put voir de quelle pièce il s'agissait, et la ferma dans un claquement poussiéreux. L'Incarnation sembla de nouveau seul au monde.

C'était probablement de la maniaquerie mais c'était peut être lié aussi à sa nature. Quelle différence faisait ces 12 minutes ? Il ne savait pas vraiment et a vrai dire, il ne savait pas si cela était vraiment important de se poser la question. La seule qui comptait vraiment était : Est ce que 250 aurels la semaine suffirait à son futur mode de vie ? En tout cas, cela lui laisserait le temps d'avoir des activités annexes. Après tout, il n'avait pas vraiment besoin de dormir. Ce qui ne lui faisait que quelques heures à passer ici.

Mais que voulait dire la phrase "A ceux qui savent réellement lire ?". Il saurait sans doute bien assez tôt. Est ce que cela était lié à la langue des livres ici ? Ou avaient ils tous un sens caché et profond ? Encore une question à élucider plus tard. Le vieux venait de disparaitre comme par enchantement. Il avait décidément choisit le bon endroit...Mais peut être avait il visé un peu trop haut ?

-Je le saurais bien assez tôt

En attendant, il devait penser à un logement. Cette chère madame l'attendait désormais. Et il n'était pas du genre à faire attendre une dame...

=> Vers Madame Frapp